Morte de sécheresse La fiancée de l'eau ( nous y reviendrons bien entendu, mais vous repérez là avec ce couple « sécheresse/eau » un des champs lexicaux qui seront très présent dans la chanson, il est ici question de sécheresse de cœur) A marié son sang A celui du ruisseau (concrètement, elle s’est suicidé en se jetant dans le ruisseau, c’est d’ailleurs pour cela qu’elle est appelée la fiancée de l’eau, car elle s’est offerte aux flots) Prince range ton drap blanc (Ce drap blanc est bien entendu le drap de lit servant à témoigner de la virginité de l’épouse défloré lors de la nuit de noce, drap qu’on exhibait à la fenêtre autrefois en guise de preuve publique. L’individu qui devait épouser la fiancée de l’eau est ici appelé Prince, il est tentant d’imaginer qu’il est un réel Prince, j’y reviendrais, sinon il peut simplement s’agir d’une formule ironique pour l’associer à un Prince charmant alors qu’il est tout le contraire)
Prince range ton drap blanc (vous observez ici une figure de style qui s’appelle une anadiplose, dans un texte chanté on parle de Chanson en laisse, la répétition du dernier vers de la strophe précédente ou de la fin du dernier vers pour ouvrir la strophe suivante. Un exemple le plus net et pertinent de cela est le rap Demain, c’est loin, de IAM) Il ne sera jamais Le drapeau rougissant De sa virginité (comme je vous l’expliquais plus haut, le narrateur moque le « prince » qui peut se la mettre sous le bras et qui n’aura jamais l’opportunité de déflorer sa promise puisqu’elle s’est offerte aux flots. Il est aisé d’imaginer qu’on nous parle ici d’un mariage forcé, d’un mariage arrangé ou d’une modalité de ce genre, ce qui explique le suicide de la demoiselle se refusant à un homme qu’elle n’a pas choisi) Regarde son honneur
Regarde son honneur S'enfuir par la mort (La jeune femme était pleine de fierté et d’honneur au point de se jeter à l’eau plutôt que de trahir sa conscience, cet honneur, comme tout le reste, est mort avec elle. Notez qu’on parle de « Laver son honneur », cette jeune femme à effectivement laver son honneur à grande eau puisqu’elle s’est noyée. Notez enfin qu’elle a marié son sang à l’eau claire donc, pour éviter d’avoir à souiller des draps de ce même sang, tout ces champs lexicaux de la propreté, de l’eau et de la virginale blancheur se recroisent et se recoupent tout au long du texte et même en dehors de lui) Regarde triste voleur (Ce n’est plus avec ironie qu’il est appelé « le prince », désormais le narrateur le nomme pour ce qu’il est un « triste voleur » souhaitant s’approprier la virginité, l’amour et la vie d’une jeune femme contre sa volonté) L'absence dans son corps (c’est une manière de mettre au voleur le nez dans son caca, on l’oblige à regarder le corps vide de la demoiselle, il en est responsable et le narrateur souhaite qu’il est prenne conscience) Tu peux creuser la terre
Tu peux creuser la terre Avec tous tes remords (le narrateur se moque bien de la tristesse du prince, il commence ici par l’inviter à creuser la terre pour enterrer la fiancée de l’eau) Creuser jusqu'en enfer Creuser, creuser encore (il l’invite à creuser jusqu’en enfer pour y retrouver la fiancée de l’eau, elle est en enfer puisqu’elle s’est suicidée) Non, tu n'auras rien d'elle (même s’il la retrouve en enfer, il n’obtiendra pas plus d’elle que lorsqu’elle était vivante, ni sa virginité, ni son amour, elle s’est marié à l’eau pour ne pas avoir à l’épouser lui. Notez l’allitération en « r » qui se poursuit tout au long de cette strophe, il y a au moins deux sons « r » par vers, cela donne un déroulement assez dense de 12 « r », cette strophe est assez agréable à entendre et à chantonner en roulant les « r » pour moduler l’effet du texte. Il y a globalement beaucoup de « r » dans ce texte si vous y faites attention)
Non, tu n'auras rien d'elle Il n'y a plus rien à prendre ( « prendre » en l’occurrence il s’agissait de prendre sa virginité, de la prendre pour épouse, et de la prendre plus trivialement, en tout cas il était question de prendre sans en demander la permission) Elle s'est jetée au ciel (elle était en enfer au vers précédent, là c’est juste une manière plus douce d’évoquer sa mort ) Tu commences à comprendre Que tout n'est pas à vendre (ces deux derniers vers nous montrent qu’il s’agissait donc d’un mariage arrangé, l’idée qu’il s’agirait réellement d’un prince, d’un nantis, qui participe à un mariage arrangé ou qui achète une épouse rend le sacrifice de la belle plus dramatique et émouvant puisqu’elle se refuse à une vie de richesse par fierté, parce que rien, ni argent ni statut ne peut acheter son amour)
J’aime beaucoup ce texte qui est joliment écrit, et qui masque - mais pas trop - son thème principal dans beaucoup de lyrisme, on ne comprend la chanson qu’à demi-mot lorsqu’on l’écoute pour la première fois, il faut se demander ce qui se raconte pour être certain de bien comprendre tous les enjeux. Le fait d’être en adresse direct avec l’homme qui s’achète une épouse bien au-dessus de ses moyens rend le texte plutôt dynamique et original, on peut imaginer que le narrateur est réel, qu’il est un acteur de l’histoire avec un peu de recul, comme par exemple un frangin de la fiancée de l’eau ( au hasard ). Il se trouve également que c’est une chanson triste mais qui ne sombre pas dans le mélo puisqu’elle serait presque une chanson à la gloire de la fiancée de l’eau sans vraiment se lamenter sur sa mort.